16 août 2011

 

Les Meusiens en Crimée (2)

Le matin chacun choisit de prendre son petit déjeuner comme il l'entend. Comme j'aime le café je le prend sous la tonnelle avec d'autres personnes de notre groupe. Je me rends compte que je ne suis pas le seul à n'émerger qu'après avoir copieusement déjeuné. C'est sacré. Après on est apte à communiquer, pas avant, c'est comme ça. Et puis c'est la première conversation de la journée avec des personnes intéressantes.
Une bonne douche, c'est possible lorsqu'on a trouvé la discrète petite vanne qui ferme l'arrivée d'eau chaude. Il faut juste se savonner énergiquement, ça a du mal à mousser. On nous avait prévenu que l'eau était spéciale et pour tout dire, un peu salée, saumâtre, quoi. On utilise de l'eau minérale pour se laver les dents comme dans bien des pays où le climat est plutôt chaud. Faire du café avec cette eau est une expérience intéressante, même que je me suis dit qu'une fois à la maison je rajouterais bien une petite pincée de sel pour retrouver ce goût unique, mais à vrai dire on finit par s'en lasser.
On saute dans le bus et on peut enfin découvrir ce paysage nouveau. A première vue et même si on insiste lourdement, c'est aussi plat qu'un discours d'un député de province avec des champs dont on ne voit pas la fin ou de la steppe. Les routes sont assez pourries avec un revêtement très rugueux, mal étalé, irrégulier. Mais les véhicules du cru y sont adaptés, ils sont pourris aussi. On constate très vite que la maison Lada y a fait un carton. De bonnes voitures lorsqu'elles étaient neuves, n'en doutons pas mais le temps passe. Introduire le contrôle technique dans ce pays équivaudrait à stopper la quasi totalité de la circulation routière.
Nous arrivons à Razdolnohé et nous constatons que le bâtiment devant lequel nous avions laissé nos élèves se trouve au milieu d'une ville de huit mille habitants. La veille nous n'avions rien vu comme si cet immeuble s'était trouvé en plein désert ; il n'y a pas d'éclairage public la nuit.
Le bâtiment qu'on supposera communal sert pour les réceptions et dispose d'une belle salle de spectacle d'époque. Nous y sommes reçus par un chant de trois jolies petites demoiselles en costume local et qui font quelques gracieux pas de danse en signe de bienvenue. Puis Héléna la directrice de l'école de danse du lieu offre à Armelle le pain de l'amitié et une écharpe de toile blanche ornée de broderies raffinées. Quelques boissons fraîches justifient de très bons gâteaux qui sont offerts à tous.

Après ça on découvre Razdolnoë, on va tout d'abord à la banque changer de l'argent. C'est un bâtiment plus moderne et il y a la clim'. Là on ressort avec des liasses de billets de monopoly. On visite le magasin d'Etat en forme de temple grec avec le marteau et la faucille sur le fronton. L'intérieur est sombre mais le plafond porte un décor d'inspiration végétale un peu exubérant. Le premier réflexe est de se précipiter sur les packs d'eau minérale, mais comment distinguer l'eau gazeuse de l'eau plate ? L'étiquette des bouteilles ne permet pas de lever le moindre doute. Mais deux expressions nous sauvent : gas, niet gas.
Quand elle a vu la liasse de biftons que j'ai sortie pour payer, la babouchka vendeuse voulait me suivre jusqu'au bus pour me porter mon pack d'eau.
Sur le trajet du bus qui nous ramène vers le motel nous faisons un arrêt pour acheter quelques fruits au bord de la route. Là c'est des vraies moujiks qui nous proposent des produits des vergers qui s'étalent derrière elles. En les goûtant (les fruits) on se rend compte de la chance que nous avons de pouvoir disposer de fruits qui ont mûri sur l'arbre ; les pêches sont tellement juteuses qu'il vaut mieux se mettre en maillot de bain pour les déguster. Les abricots, vous n'allez pas me croire mais ils ont vraiment le goût de l'abricot. On se dit qu'on se fait peut-être du mal en y goûtant parce qu'on ne retrouvera pas les mêmes dans le commerce en France et on les regrettera.
En même temps on prend conscience qu'il ne faut pas rester trop longtemps en plein soleil malgré nos protections car le risque d'insolation est bien réel.
De retour à la petite station balnéaire où se trouve notre motel nous découvrons le petit restaurant. Il nous apparaît aussitôt assez sympathique et la nourriture servie plutôt saine avec des crudités puis un bol de bortsch que nous découvrons et qui nous réjouit. j'ai oublié de noter combien nous avons réglé ce repas, j'aurais dû. Nous empruntons le chemin qui mène au motel et prenons le temps de nous arrêter auprès de messieurs qui paraissent bien joyeux à l'ombre d'un abricotier. Ils nous proposent de goûter à la liqueur qu'ils dégustent. En pleine chaleur comme ça, est-ce bien prudent ? Et puis ils essaient de nous faire comprendre que cette boisson ne contient pas d'alcool, à les voir nous émettons de sérieux doutes. A cette heure-ci il vaut mieux rentrer dare dare au motel à l'abri du soleil. Là un petit courant d'air venu de la mer nous fait du bien, les chambres sont des vrais fours et la clim' ne fonctionne pas suffisamment longtemps avant de faire disjoncter l'installation. J'ai une envie de glace, là maintenant, tout de suite, là ! Si un marchand de glace passe par là je lui achète le camion.
Cet après midi là on négocie le prix des chambres. C'est pas comme en France où les prix sont fixés et affichés. Nous découvrons la propriétaire du motel, une Russe pas maigrichonne, c'est le moins qu'on puisse dire. Si elle tombe par terre, elle provoque un déplacement de l'axe de rotation de la terre, un cataclysme potentiel. L'âpreté de la négociation en dit long sur son âpreté au gain. Bien sûr si on a négocié un prix au préalable, pourquoi faut-il faire intervenir le taux de change du jour entre l'Euro et le Grhivnia ? Et ça dure jusqu'à ce que l'on convienne de régler un supplément sur ce qui était convenu. Nous réglons notre séjour de suite pour ne pas voir le prix évoluer encore.
En fin d'après-midi, lorsque la température devient supportable, nous allons à la plage. C'est du sable un peu grossier mêlé de petits morceaux de coquillages. Le bord de l'eau est tapissé d'une sorte de foin noir qui nous rebute au premier abord puis se révèle doux au toucher, sans odeur. On peut en faire un tas pour s'asseoir. Finalement ce n'est pas gênant. L'autre surprise est la température de l'eau, on y entre sans hésitation tant elle est chaude. Elle ne nous raffraîchit pas mais on y est si bien. On pense à Thermapolis.
Le littoral est assez sauvage, il est occupé en grande partie par des bâtiments d'élevage abandonnés. En contrebas se trouvent des petits cabanons dont les plus neufs servent de résidences de vacances. Sur la plage on n'est pas serré, on peut s'étaler même au point le plus fréquenté. C'est le début de l'exploitation touristique du site, je pense que si nous revenons dans quelques années nous risquons de ne plus reconnaître l'endroit.
En tout cas la plage est déjà arpentée par des vendeurs de spécialités locales dont le poisson fumé qui embaume, une des gourmandises des vacanciers de l'est européen.
J'allume mon téléphone et il met un temps fou à se connecter sur le réseau local :
KYIVSTAR (l'étoile de Kiev).

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